Je regarderai à droite, puis à gauche, avant de traverser, comme on me l'a appris il y a bien longtemps... Mon pas sera tantôt calme, tantôt pressé et mon coeur sera encore secoué de haut en bas comme ces jours ou on se dit qu'il va se passer quelque chose de spécial, quelque chose de très particulier, comme ces matins où on sait qu'on est en train de prendre un grand tournant dans sa vie.

J'aurai les cheveux longs, pas trop non plus, mais assez pour les sentir se soulever dans le vent. Il y aura une petite brise, celle qui nous rafraîchit quelque peu quand il fait trop chaud, quand le Soleil nous illumine. Alors j'attendrai ce jour là, ou le Soleil sera déjà levé à mon réveil et je partirai tôt quand la ville sera encore endormie, je verrai les arbres se réveiller, les rues seront calmes, et je me sentirai légère et perturbée à la fois...

Oui, se sera un jour très spécial...

Je mettrai ma petite robe bleue turquoise, toute légère, celle qui laisse passer un peu le jour, ca sera l'été, c'est sur. J'aurai certainement un petit sac en osier, par habitude plus que par envie. Et puis, je partirai, mes petites sandales aux pieds, j'arpenterai les rues avec un nouveau regard, et je photographierai tous ce qui me passe devant les yeux.

Mon objectif se centrera sur tous ces détails insignifiant que les adultes ne remarque pas, de la fissure sur le trottoir qu'on s'amuse à suivre quand on est plus jeune, au ciel parisien que peu de personnes remarquent alors qu'il est toujours beau. L'entrée du métro à l'ancienne d'un côté de la rue, les vieux pavés sur la chaussée qui sera un jour goudronnée comme les autres, et les arbres bien verts alignés le long du trottoir couleur goutière.

Le temps passera, et mes pas m'emporteront, vers une destination tenue encore secrète, parce que mon coeur balance... Traverser, marcher, observer... J'ouvrirai grands les yeux pour ne rien oublier de ces instants qui prendront un petit goût d'éternité avec le temps, j'en suis persuadée. J'appercevrai peut être un bout de Tour Eiffel, et d'autres monuments défileront devant mes yeux, et le jeu de lumière qui s'imposera à cet instant ne quittera plus jamais ma mémoire.

Quelques heures de marches sans doutes sauront me porter où je le désire, mais c'est la nuit la plus courte de l'année, et la ville sera encore endormie à l'heure où j'arriverai enfin à mon lieu de destination.

De grandes verrières, et des pas qui défilent sous mes yeux. Mon périple s'arrêtera là, et pourtant il recommencera à cet endroit précis...parce qu'on ne peut pas clore une journée au début d'une matinée.

Des annonces bien trop fortes, et des visages crispés, des regards fatigués, des visages pâles. Tout semble encore éteint, même dans ces bouts de vies.

Je gravirai quelques marches en métal après avoir arpenté le quai, et je m'installerai dans cette petite voiture à quatre places, avec de grandes vitres propres et lumineuses, de la moquette rouge bordeau et des sièges en cuir. Je poserai mon sac à côté de moi, et je regarderai par la fenêtre tous ces gens qui courent à la recherche de leur train. Me voila installée, me voila seule, mon voyage commencera par cette matinée ensoleillée.

Un bruit, une petite secousse, et puis deux, me voila en route, pour je ne sais ou, un endroit inconnu. Par curiosité, je tenterai de voir le chauffeur à travers la petite vitre, mais le rideau sera trop épais pour que je puisse distinguer plus qu'une ombre. Installée, je me concentrerai sur tous les petits détails, de la dorure du porte bagage inutilisé, à la petite tâche de café sur le siège d'en face... Quelqu'un est déjà passé par là alors...

Je regarde les arbres défiler par la fenêtre, la vitesse s'accélérant, je sentirai mes paupières devenir de plus en plus lourdes...

A mon réveil, les couleurs me sembleront être quelque peu différentes, un rien plus foncé peut être, la pièce sera sombre car les rideaux auront été tirés et je ne comprendrai certainement plus grand chose à ce qui se passera autour de moi.

Je tirerai les rideau, et je découvrirai une nouvelle nature, un endroit que je ne connaitrai pas, loin des immeubles et des voitures. Et quand le train s'arrêtera, je me retrouverai dans un endroit inconnu mais qui ne me sera pas hostile, je le saurai, je le sentirai, et le calme qu'on pourra lire sur mon visage.

Je me dirigerai vers la porte, je l'ouvrirai juste pour sentir un peu l'air frais s'engager dans la voiture, je m'accrocherai à la poignée et je passerai la tête au dehors, juste pour sentir le vent de plein fouet. Une bouffée d'air et le train qui ralentira, serait ce donc là que je me rendrai? Sans doute.

Je descendrai du train, ce train au conducteur mystérieux, ce train sans annonce, sans autre voyageur, ce train à l'ambiance douce et rafinée...

Les arbres seront si beaux, et l'herbe sera si verte que je me roulerai dedans... Je marcherai au delà de ce petit bois joli, pour découvrir l'océan qui se cache derrière, et je ne serai même pas étonnée... Les dunes seront grandes et les vagues viendront éclabousser les rochers de l'autre côté de la plage, mes pas ne seront même pas inscrits dans le sable et tout restera comme si je n'étais jamais venue...

Le pays des rêves me sera ouvert, et sur ce chemin sans retour, j'aurai enfin trouvé la place que je recherche, loin de tout, ou la solitude ne se ressent pas, ou la beauté de la nature contente tous les désirs...

En montant dans ce train, je serai hors du temps, enfin...